Je t’emmèneraiS dans un ranch traire des vaches
et regarder des chevaux d’enclos tourner sans fin au milieu de nulle part.
Je t’emmènerais longer des montagnes immenses,
partager le silence ébahi et cotonneux d’une contemplation émerveillée.
Je t’emmènerais fumer le cigare offert par un très vieux Cubain en gage de ta beauté.
Je t’emmènerais contre mon épaule sur un chemin de neige et de conifères,
sous un ciel épuré d’azur, dans les rayons déployés du soleil triomphant.
Je t’emmènerais dans les confidences de mes caresses incertaines,
lorsque ton grain de peau entrouvre mon âme comme un coutelas divin.
Je t’emmènerais chaque matin dans une rêverie légère
pour dégager mon corps empesé de mon lit vide.
Je t’emmènerais chaque jour comme un papillon de songe
déposerait les pollens du parfum de ta main.
Je t’emmènerais chaque nuit dresser le trois-mats des recouvrances,
déposer la blanche candeur de la grand voile
sur le parfum de mort de mes draps trop froissés.
Je t’emmènerais dans le regard de chacun de ces hommes
qui n’ont jamais échoué à jouir de ton corps et d’en abuser comme il se doit.
Je t’emmènerais dans les vertiges du jour, à la pâleur d’une lampe,
dans un miroir grimaçant et j’en détournerais mes yeux pour les fermer encore,
alors..
Je t’emmènerais dans une prairie de jonquilles, de coquelicots et de bleuets,
à déguster la brise dans les danses irréelles de ta robe diaphane, puis, ivre
du chant des oiseaux, sous les branches d’un gros chêne, je m’endormirais
pour toujours dans tes bras, bercé par la douceur des soupirs du printemps..O, dans mes derniers instants, je t’emmènerais sur un ferry
pour le bonheur de ton sourire sous un bonnet de laine.
A l’autre bout du quai, on entrerait chez un vieil antiquaire, on sortirait de
la poussière quelques boites à musique abandonnées çà et là
par des femmes délestées de rêves trop usés..
Soudain, je reconnaîtrais la petite manivelle enfantine que tu m’avais offerte
et je me tournerais brusquement vers ton absence..
Bien vite, j’actionnerais le petit bras mécanique pour sentir le crochet acéré
de ma nostalgie remonter dans la chair de mes souvenirs..
Alors, depuis mon antichambre vide et sans écho,
j’entendrais bientôt remonter les galops de cet enclos perdu au milieu de nulle part..
..où je t’emmènerais..