DESTINEE Finalement, une boucle de trente années se referme. Je pense avoir fait le tour du propriétaire. Compris ce qu'il y avait à comprendre, ressenti ce qu'il y avait à ressentir, élucidé ce qu'il y avait à élucider. Un nouveau grand chapitre s'ouvre. Je suis aux portes du palais et je fixe la clef de voûte.. J'aime ce mélange -raffiné- de légèreté et de blues que m'inspire invariablement l'Eté; cette délicate fébrilité. Se lover dans la ligne d'horizon, y infuser dans un tourbillon de faisceaux jaunes, mauves et orangés. Le vent, ami immuable, qui chuchote dans les feuillages scintillants. Jamais je ne me lasse de ce vert intense marié au bleu profond du ciel. Tant de ponts foulés que je contemple avec tendresse s'effriter infiniment. Des papillons de cendres argentées se transforment en sillage, en fumée, en trainée, en nuée.. La rosée des aurores sur le Lys de destin.
VENDANGE D'ETE «Je te sens encore en moi et c’est merveilleux.» Nos conversations les plus profondes m'as-tu dit se font à-même-la-peau.. Dans la chair du débat, nous avons pourtant tardé à entrer ! Peu prolixe sur tes fantasmes, je t'effeuillais mes vicieux grimoires.. J’envisageais un grand festin de luxure, mais ce bouquet final, vibrant entre mes anses est à présent une allée d’asphodèles dans mes artères échaudés. ~ Les séquences me hantent ; elles passent, défilent et repassent dans mon sang bouilli ; échouent dans de blancs mouchoirs.. ~ Tes lèvres se scellent aux miennes par de grisants verrous, sitôt dégondés, sitôt rappelés à la forge charnue.. Tes seins, citrouilles pétries jusqu’à l’ivresse, par mes mains gourmandes et frénétiques: le carrosse est lancé, le feu aux écoutilles ! Ta voix déroule de petites musiques, de charmantes extases.. Tu chuchotes des mots comme des sortilèges.. Je mords chichement ton épaule, infiniment tenté d’y boire un sang doux et intense ! Je remonte la clairière tempérée de ton cou pour y broder mes ardeurs.. Ton oreille, si délicate à ma langue, entend bien que j’écrase à ton corps mes amphores d’épices.. Tu aimes être giflée, et je prends mon plaisir à contenter le tien ! Je t’attrape la gueule, je compresse tes lèvres avides de crachats ; je saisis ta gorge, je la sers. Tes yeux se dilatent ; ton sexe s'ouvre.. Je viens t’ensevelir comme une vague lourde, me répandre tel un prédateur piégeant sa proie pour lui dévorer soudain la bouche ! Je m'écrase à ton dos, je capture ta gueule, je la tourne vers moi. Ô que tu aimes ça ! Index, majeur: coutelas caressant ta langue d’avaleuse de sabre ! Tu suces mes doigts comme des sorbets.. Tes dents sont des ornières quelque peu acérées pour un fourreau d’épée.. Je n’aime rien tant que ta main incertaine cherchant à faire blanchir ma lame ; de cette lave tu te forges à moi ! ~ Ta gorge est un flacon sans fond, que j’aime compresser de l’extérieur; de l’intérieur.. Tu as la moitié de mon âge, pourtant ce tubercule carnivore au déploiement de tes cuisses absorbe intensément chacun de mes torrents dans sa forêt d’éponges. Ta bouche est une autre caverne étrange où je viens me répandre en cascades blanches indigo.. Dès que je veux dormir, tu viens me réveiller; tu me prends dans ta toile de dentelles pour te piquer à mon dard.. A mon tour, je te réveille.. Mes bras deviennent enfin des bras lorsqu’ils enlacent ton corps ! Lorsque tes cuisses capturent mes hanches, le dragon millénaire crache son feu dans ton faste volcan ! De longs week-ends électrisés à ton réseau ont restauré mon hypophyse avant de délaisser mon câble dénudé à même l’orage.. ~ Bien malgré moi, j’aspire encore à déverser de pleins barils d’alcool de nacre pour enivrer chaque vallée.. Caresser ce cou, bestiale romance; lui faire absorber toute ma semence.. Ta peau a parfois l’odeur des bêtes grasses; ta nuisette est un tue-la-mort ! Pourtant j’étais loin d’être rassasié de toi, possédé d’une viscérale foi, jusqu’à crucifier ton ventre à ton stérilet.. «Avoue que tu es fier de toi» me lanças-tu. Tu n’aimais pas que je m’excuse; tu aspirais aux collisions qui laissent traces.. ~ C’est alors que reparut le voyageur.. Ce quinquaméricain, boucher/militaire que tu croisas à Prague, et sur lequel tu harponnas, bienheureuse, je ne sais quel mirage.. Il s'était éclipsé, six mois durant avec tout son mystère, Ô mystère, ce paravent de vacuité, si cher aux pleureuses ! Moi, je te fais l'économie des petites phrases vaporeuses déversées aux gamelles des candides rêveuses.. Je ne suis pas de ce bois qui méduse et chavire le radeau ! Tu as éveillé un dragon affamé, alors forcément je m'enflamme ! ~ Tout comme ce voyageur, je t’ai connue à surgir pour mieux disparaître: un pied ici, un autre au dehors.. Souviens-toi, la première fois que tu me proposas la botte, tu venais d'absorber ton conjoint ! Cet élégant Massaï blanc mis deux ans à dérider ton pistil.. Il me fallut deux jours pour que ma lance effile ta cible de velours.. A ton caveau, quelques gorgées de Romanée Conti ! J’aurais peut-être dû m'élancer plus tôt dans tes eaux, toi qui venait parfois amarrer ta barque à mon épaule pour y passer des nuits sans remous.. Nous aurions aimé dépraver nos fluides, vautrés dans la boue. Tu m’aurais braqué la face contre ton huître, fauve ! pour m’en faire ruisseler chacune des saveurs ; à mon tour, je t’aurais nettoyé de tes copeaux.. Poire William, chocolat chaud, dans tes collines et tes ravins. Rhum et pommes broyés déversés sans tact à tes lèvres indécentes.. Aucun gaillard à la ronde ne dégondera ta chair avec plus grande ferveur que la mienne, tu le sais ! J'ai dégusté tes hanches, tes doigts et péronés, pimenté tout ton ranch chevilles, cul et poignets.. C'est pourquoi en-corps et encore, chaque amante repointe inlassablement ses seins à ma bouche sa croupe à ma souche jusqu'à ce que je chasse âprement la bête.. Un mois durant, je suis resté ivre du sang de nos sexes gorgés.. Je voulais encore pétrir et détourer ton Lys, ta Sapotille, ton Physalis.. Mais Septembre à présent, délave le soleil délave mes ardeurs.. Le bon vin a tourné, la vendange d'Eté n'a plus son amertume..